Stéphanie Liébart : la course à la vie

par LSA IDF / 9 avr. 2021 à 19:14 Mise à jour 22 juin 2021 à 13:46
Parfois le sport est le stimulant nécessaire pour respirer un vivace bonheur de vivre. Rattrapée dans ses courses folles d'athlète au long cours, Stéphanie Liébart, une dure au mal dans sa spécialité de trail, a été confrontée au cancer et a épinglé à son dossard en août 2019 sa plus dure épreuve. La femme s'est retrouvée face à elle-même. La compétitrice aussi. Quand le sport a toujours été le fil conducteur de sa vie, on peut s'en servir en tirant dessus comme une bouée de sauvetage. Tout a commencé à l'âge de 5 ans où la petite Stef, intrépide à souhait suivait les pas de son frère Eric, hockeyeur de bon niveau :" C'était cool cette enfance mais il me fallait sans cesse bouger, monter aux arbres, prendre des soleils sur mon vélo et me relever. Mes parents qui n'ont pas pu faire de sport ont soutenu leurs 4 enfants dans cette voie. Nous avons été gâtés même s'ils ont refusé à deux reprises que je rentre en sport-études. Un regret pour moi mais bon... "
 La gamine de 5 ans va fendre la glace en s'initiant au patinage à Viry : " Je me suis pété le coude mais cela me plaisait. L'entraînement était dur mais au bout de 90 mn je continuais et ce même le dimanche à 6h30. Le sport forge le caractère, c'est sain." L'enfant grandit et s'épanouit "J'étais une enfant d'une timidité maladive, pas sûre de moi du tout." Elle glisse vers la GRS à Ris Orangis. Un sport rude et exigeant. Son entraîneur bulgare la remue et la met face à ses doutes : "Je perdais mes moyens en compétition." Là aussi elle s'accroche et virevolte pour atteindre un titre national, est sélectionnée pour une démonstration à Bercy :"Nous étions avec les grandes championnes pour les Mondiaux, c'était magique, impressionnant".

Tout s'écroule en août 2019 !

 
Coté études, sans se prendre les pieds dans le tapis, c'est un peu plus compliqué " Je ne bossais pas trop. J'avais besoin de sport avec une dose de 15 heures par semaine de GRS. En 3e je goûtais dans la voiture et allait au gymnase." Devenue adulte, cette maman de deux enfants se met à la course à pied, au vélo. Pas vraiment avec le sens de la retenue. Elle suit sa voie. A fond avec des défis de plus en plus importants. Amoureuse de la montagne, place au trail, aux grands espaces avalés :" Je ne faisais toutefois pas de distances supérieures à 70 km." Elle devient une athlète de niveau national en croquant la vie à pleines dents. Août 2019, un pan du mur s'écroule sur sa tête. A 44 ans et demi, la sentence tombe, coupante et glaciale :" Je n'avais jamais prononcé le mot cancer" Les résultats de la biopsie faite à Curie tombent quatre jours après sa victoire au Trail de la Résistance long de 30 km.. "J'étais tellement vénère que je suis allée chercher la victoire avec les tripes mais j'ai reçu la récompense sans sourire".
 Elle sait que là aussi elle va entrer en résistance dans cette future bataille de tranchées. Petit soldat, elle prend sa baïonnette pour affronter une épreuve inclassable, sans dossard ni spectateurs, ni podium. " En recevant cette nouvelle j'ai pris comme un train dans la figure." Deux questions se posent au moment du verdict : "Je vais perdre mes cheveux et comment je vais faire pour mon trail de 100 km en octobre" Le toubib écarquille les yeux devant cette demande non déguisée.

Des podiums pendant la chimio

Le 26 septembre, première étape non sportive avec la séance de chimio qui tombe le jour même de sa sélection au championnat de France de trail. 72 heures après, fatiguée, à plat après la séance éprouvante subie à l'hôpital, elle repousse les nausées et reprend les baskets. C'est parti pour ce chemin de croix. La prise en charge chimio est retardée de deux mois suite à une septicémie nosocomiale. Opérée du sein en novembre elle reprend la chimio avec une dernière séance le 13 avril. Onze étapes difficiles qui n'ont pas stoppé l'athlète dans sa quête d'absolu en courant après la vie. Elle finit en plein traitement 3e du cross de St-Pierre les Nemours puis 5e à Pithiviers où se n'était pas du gâteau, se qualifie pour les France de cross et prend une superbe deuxième place à l'Avonnaise : "Je ne voulais pas manquer la course de Pierre Montheillet. " Avec son bonnet norvégien sur la tête elle étonne. La femme se tient comme un mât retenu par les haubans du courage. "Je n'en ai jamais fait cas, c'était un combat personnel. J'ai été très bien entourée aussi avec mon kiné Mickaël Becquet, David super présent tout comme Nicolas Poissant, ma famille, un cercle d'amis ainsi que mes partenaires dont Run Green et Instinct trail." Ce qui se fait à l'intérieur ne doit pas se voir à l'extérieur. Elle s'entraîne dur : " La chimio attaque les tendons et j'ai une double hernie discale avec asséchement des disques, ce qui est irréversible."
Le sport, école de vie, lui a t-il sauvé la vie ? :" J'avais la haine, la rage face à cette maladie. Je n'en voulais pas aux autres mais j'ai puisé dans la course toutes les forces mentales pour tenir, encore et encore. C'est le mental qui fait la différence face à la maladie. J'ai toujours été déterminée, quand je veux quelque chose je sais que je l'aurai" Cette croqueuse d'espaces, pendant son traitement lourd, n'a été qu'un bloc de confiance obstiné :" Sur la piste je répétais les exercices jusqu'à l'épuisement. Je finissais à genoux mais j'allais au bout. Chaque séance de chimio n'était qu'une étape. "

"Fière de mon parcours " 

Il reste encore de séquelles mais l'infirmière anesthésiste, malicieuse, qui manie l'auto-dérision savoureuse lors de ses petites séquences vidéo follement drôles attend une nouvelle opération programmée ce 31 mars mais repoussée par la crise sanitaire. " Je serre toutefois les fesses mais j'ai demandé à mon chirurgien si cela n'allait pas entraver mes objectifs de compétition. Je ne sais pourquoi il m'a répondu en riant que je le fatiguais."
Chez cette "ultra" battante les parois de son cœur sont toutefois si minces que l'on presque entendre ce qui se passe à l'intérieur :" Je suis fière de mon parcours, c'est même incroyable. Je crois que cette maladie a été la course la plus longue de ma vie." confie-t-elle dans une gracile fermeté qui vertèbre sa liberté et met en valeur son élégance. De quoi continuer à gambader même en pleine semaine à Courdimanche-sur-Essonne où elle habite.

Pascal Pioppi

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